Après l’excellente exposition de l’année dernière consacrée à Silvestro Lega, les attentes pour le rendez-vous 2016-2017 de la Fondazione Centro Matteucci per l’Arte Moderna di Viareggio ne pouvaient qu’être résolument élevées. D’autant que, pour l’exposition de cette année, le Centre a choisi un titre résolument retentissant: Il tempo di Signorini e De Nittis. Le XIXe siècle ouvert au monde dans les collections Borgiotti et Piceni. Le lieu d’exposition est resté fidèle à sa vocation pour leXIXe siècle italien: cependant, rassembler des œuvres de grands noms (outre Signorini et De Nittis, sont exposés Zandomeneghi, Boldini, Fattori, Lega et d’autres) et établir le (bref) parcours en essayant de proposer au public une reconstitution des collections de Mario Borgiotti et Enrico Piceni ne sont pas des opérations suffisantes pour créer une exposition intéressante et surtout mémorable. En outre, le fait que l’exposition ait lieu six ans après une exposition plus complète que le Centre Matteucci avait déjà consacrée à la figure de Mario Borgiotti aurait dû avertir de la possibilité de se trouver face à, au moins, un sentiment de déjà-vu: en effet, de nombreuses œuvres exposées sont celles qui avaient déjà été vues à l’occasion de l’exposition Genio dei Macchiaioli. Ce qui, bien sûr, n ’est pas une mauvaise chose, d’autant plus que l’on espérait que l’intéressante confrontation Piceni-Borgiotti devienne le prétexte à une exposition dense et originale, capable de faire découvrir au public ces deux figures importantes mais méconnues de la scène artistique du début du XXe siècle. Le résultat n’a cependant pas été à la hauteur des attentes.
L’affiche de l’exposition devant l’entrée du Centre Matteucci |
Un passage de l’exposition |
En fait, selon les intentions des commissaires, Claudia Fulgheri et Camilla Testi, l’exposition était censée fournir une “histoire en images” de la “lutte” entre les deux collectionneurs raffinés, Mario Borgiotti et Enrico Piceni, qui ont contribué de manière décisive à la renommée des Macchiaioli (Borgiotti) et des Italiens de Paris (Piceni). Les images sont là, mais la narration est totalement absente. Certes, monter une exposition sur le collectionnisme est toujours une opération courageuse et difficile, et le mérite en revient aux commissaires. Cependant, les bonnes intentions ne sont pas toujours récompensées par des résultats. L’exposition se présente au visiteur comme une brève séquence d’œuvres des collections Piceni et Borgiotti (les indications visuelles sont soulignées, dans la mise en page, par deux couleurs: l’or pour Piceni et le vert pour Borgiotti), sans toutefois la narration qui aurait dû accompagner le visiteur à travers les salles du Centre Matteucci. En conséquence, le visiteur repart sans avoir obtenu de réponses à des questions fondamentales: comment Piceni a-t-il mis en valeur l’art de Zandomeneghi, De Nittis, Boldini? Et comment Borgiotti a-t-il réussi la même opération pour les Macchiaioli? Comment se sont constituées les collections des deux critiques? Comment se sont-elles insérées dans le milieu artistique de l’époque? Pourquoi les œuvres de Zandomeneghi occupent-elles une place si importante dans la collection de Piceni? Quels étaient les artistes préférés de Piceni et de Borgiotti, avec lesquels ils entretenaient les relations les plus constantes?
Il faut souligner que non seulement les réponses à ces questions manquent, mais qu’aucun élément n’est même fourni pour tenter de répondre aux questions qu’un visiteur, dans une exposition sur le collectionnisme (et où, d’ailleurs, l’une des deux collections est celle qui a appartenu au critique qui, peut-être plus que tout autre, a contribué au succès de Zandomeneghi et De Nittis), se pose légitimement. Le seul point d’appui utile est un panneau qui résume, assez rapidement et, si l’on veut, superficiellement, les différences entre les conceptions esthétiques des deux collectionneurs: celle de Borgiotti est consacrée à l’“analyse technico-formelle”, celle de Piceni est fondée sur l’hypothèse que la beauté est un plaisir. Ensuite, deux grands panneaux introductifs présentent au public les figures d’Enrico Piceni et de Mario Borgiotti, avec une certaine emphase (parfaitement inutile lorsque le texte dit “riche et significative, dans le parcours de l’exposition, est la sélection de peintures et de pastels de Federico Zandomeneghi”: le visiteur peut très bien voir par lui-même que l’exposition regorge d’œuvres de Zandomeneghi.... il aurait été plus intéressant d’expliquer pourquoi il y a une sélection riche et significative d’œuvres de l’artiste vénitien dans l’exposition) mais aussi avec des références difficilement compréhensibles pour le grand public. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il est dit que Borgiotti “peut être assimilé à un Vollard, à un Pospisil ou à un Barbaroux, plutôt qu’à un critique intellectuel et militant”: à l’exception de Vollard, connu par certains amateurs surtout pour avoir été le marchand d’art de Picasso, qui a fait son portrait, les noms de Francesco Pospisil et de Vittorio Emanuele Barbaroux, deux marchands actifs au début du 20ème siècle, sont connus presque exclusivement par les experts en art de l’époque. Ensuite, la décision d’insérer les chronologies des vies de Piceni et Borgiotti à la fin du parcours, dans la dernière salle, sur six grands panneaux remplis de notions peu utiles à la narration de l’exposition est hallucinante. Et puis, soyons honnêtes: à la fin d’une exposition, après avoir passé une heure ou plus parmi les œuvres (une quarantaine), et en tenant pour acquis que la “ narration ” affichée au début du parcours n’existe pas vraiment... qui a envie de passer encore au moins dix minutes à lire une chronologie qui, à la rigueur, avait plus de sens au début?
Mur avec peinture de Zandomeneghi à gauche et peinture d’Oscar Ghiglia à droite |
Les panneaux avec la chronologie de Mario Borgiotti |
Il ne reste donc plus qu’à se rattraper sur la très grande qualité des œuvres exposées, qui satisferont pleinement les amateurs d’art de la fin du XIXe siècle. L’aperçu des œuvres de Federico Zandomeneghi vaut pratiquement à lui seul toute l’exposition. Ces œuvres proviennent de la collection de la Fondation Piceni et ne sont normalement pas exposées, de sorte que l’exposition de Viareggio est une excellente occasion de les admirer. Nous avons à la fois le banal Zandomeneghi(Au Théâtre, 1895, nous présente quatre femmes penchées hors de la loge d’un théâtre, tandis que Moulin de la Galette de 1878 est, comme le dit le panneau d’introduction dans l’une des rares bribes réellement utilisables par le public, une “peinture d’un grand retentissement, ingénieux et audacieux dans sa composition”, qui “anticipe dans ses solutions courageuses certains aspects de Toulouse-Lautrec”), ainsi que celui, plus intime, du poète raffiné de la douceur féminine, comme on le remarque en observant Le repos, portrait d’une jeune fille allongée dans un pré, jouant avec un brin d’herbe qu’elle porte à sa bouche. Il faut également souligner la sélection d’œuvres de Giuseppe De Nittis, parmi lesquelles Nei campi intorno a Londra (Dans les champs autour de Londres), où un groupe de jeunes gens s’étend avec insouciance sur une prairie fleurie, et l’exceptionnel Al bois de Boulogne(1873), qui dépeint un moment du quotidien parisien de l’époque: une mère richement vêtue et son jeune fils regardent passer une calèche dans les allées du bois de Boulogne. Enfin, une Toilette de Giovanni Boldini, mettant en scène une femme plantureuse que l’artiste saisit, avec l’œil d’un voyeur aguerri, alors qu’elle passe une serviette entre ses parties intimes, est frappante.
Federico Zandomeneghi, Moulin de la Galette (1878 ; huile sur toile, 80 x 120 cm ; collection de la Fondation Piceni) |
Federico Zandomeneghi, Au Théâtre (vers 1895 ; huile sur toile, 71 x 88 cm ; collection de la Fondation Piceni) |
Giuseppe De Nittis, Al Bois de Boulogne (1873 ; huile sur toile, 23 x 34 cm ; Collection Fondation Piceni) |
Giovanni Boldini, La Toilette (1885 ; huile sur panneau, 55 x 45 cm ; Collection Fondation Piceni) |
La sélection de tableaux de la collection Borgiotti (qui appartient toujours aux descendants du critique) est une occasion unique de découvrir les œuvres de l’artiste: ) s’ouvre sur quelques toiles de Giovanni Fattori, se poursuit avec des portraits intenses et des scènes d’intérieur (comme Bigherinaia de Silvestro Lega, ou une tisseuse de “bigherini”, terme utilisé en Toscane pour désigner la dentelle des vêtements féminins, ou Solletico d’Adriano Cecioni, qui représente un moment de jeu entre deux fillettes), il se poursuit avec une série de paysages splendides et évocateurs de Giuseppe Abbati peints sur les plages de Castiglioncello, se déploie parmi les œuvres de Cabianca, Sernesi et Signorini (la Donne a Riomaggiore de ce dernier est particulièrement intéressante) et se termine avec la très particulière Ricreazione d’Antonio Mancini, une petite fille à l’expression indéfinie serrant une poupée dans ses bras et assise à côté de quelques objets de jeu.
Giuseppe Abbati, La maison de Diego Martelli à Castiglioncello (1862 ; huile sur toile, 21 x 50 cm ; collection Borgiotti) |
Adriano Cecioni, Les chatouilles (1862 ; huile sur toile, 37,5 x 44,5 cm ; collection Borgiotti) |
Telemaco Signorini, Femmes à Riomaggiore (1893 ; huile sur toile, 64,5 x 44,5 cm ; collection Borgiotti) |
Antonio Mancini, Récréation (vers 1876 ; huile sur toile, 160 x 103 cm ; Collection Borgiotti) |
Le visiteur qui s’arrête pour analyser les tendances et les différences entre les deux collections arrivera à la conclusion que Borgiotti préférait unart lyrique, méditatif et silencieux (couchers de soleil sur des plages dépourvues de présence humaine, vignobles tranquilles aux couleurs automnales, promenades solitaires dans la campagne, barmaids de village chuchotant, enfants pris dans leurs jeux) et que Piceni était plus en phase avec la vie urbaine animée, de Londres à Paris, parmi les rues, les places, les parcs, les théâtres et les clubs très fréquentés. Pour arriver à ces conclusions, on peut s’aider des panneaux qui, avec des extraits des textes de Borgiotti et de Piceni, présentent au public les peintres de l’exposition: De Nittis est ainsi le peintre “qui a appris aux Anglais à voir leurs brouillards et aux Français à voir leurs femmes”, Boldini “a laissé avec son œuvre un témoignage vaste et varié qui embrasse tous les aspects de la fable humaine: idylle et tragédie, fièvre et ragots, souffle des champs et des marinas et chaleur gâtée des salons”, et encore Abbati sait que “l’extérieur est l’état mystérieux d’un monde intérieur qui demande à être révélé” et Cecioni est un peintre doué “d’acuité critique, de vivacité expressive et d’esprit pénétrant”. Il est dommage que ces légendes soient parfois placées de manière peu intuitive: on ne comprend pas pourquoi, par exemple, le panneau sur Ulisse Caputo a été placé à côté d’une œuvre de Serafino Macchiati et, inversement, la légende de Macchiati accompagne un tableau de Caputo (le portrait de sa femme: l’une des œuvres les plus intenses de l’ensemble de l’exposition).
La légende sur Ulisse Caputo à côté de After the Gala de Serafino Macchiati |
Dernier passage de l’exposition avec, en arrière-plan, le portrait de Maria Sommaruga, épouse d’Ulisse Caputo, auteur du tableau. |
Enfin, un mot sur le catalogue (un bon catalogue) qui comprend deux essais, l’un sur Piceni et l’autre sur Borgiotti, signés respectivement par Camilla Testi et Claudia Fulgheri, ainsi que la contribution de Flavie Durand-Ruel, descendante du célèbre marchand impressionniste, et la longue introduction de l’infatigable Giuliano Matteucci, directeur de la Fondation, méritent également d’être soulignées. Les fiches sur les tableaux sont également riches et ponctuelles. Un catalogue qui, en somme, compense les (trop nombreuses) lacunes d’une exposition qui, sans être une plaisanterie vide de sens (il y avait un grand potentiel, malheureusement peu exploité), et bien qu’elle reste une exposition somme toute élégante avec d’excellentes intentions, est, parmi les expositions du Centre Matteucci, quelque peu décevante, décevante en raison de son manque de capacité à s’exprimer pleinement, de ses lacunes évidentes en termes de diffusion, de son prix d’entrée décidément élevé par rapport au contenu de l’exposition, et de son incapacité à atteindre l’objectif de présenter au public une présentation complète des figures de ceux qui devaient être les deux principaux protagonistes de la narration de l’exposition. Il faut espérer que la prochaine exposition pourra atteindre le niveau de celle de l’année dernière: le Centre Matteucci, institution sérieuse et bien gérée, en est tout à fait capable.
Avertissement : la traduction en français de l'article original italien a été réalisée à l'aide d'outils automatiques. Nous nous engageons à réviser tous les articles, mais nous ne garantissons pas l'absence totale d'inexactitudes dans la traduction dues au programme. Vous pouvez trouver l'original en cliquant sur le bouton ITA. Si vous trouvez une erreur,veuillez nous contacter.