Avant de commencer à parler de l’exposition van Gogh à Vicence, le nouveau projet d’exposition-entreprise de Marco Goldin et de sa Linea d’Ombra, une brève prémisse s’impose: Cette fois-ci, le point de départ ne sera pas, comme pour d’autres de ses expositions, un atroce méli-mélo du type “Toutankhamon, Caravage, van Gogh”, ni un "les impressionnistes et la neige“ thématiquement inventé, ni un improbable et risqué survol du portrait ”de Raphaël à Picasso".
Rien de tout cela: pour l’exposition d’automne à la Basilique Palladiana, Goldin a pu compter sur un noyau résolument substantiel de dessins et de peintures de Vincent van Gogh (Zundert, 1853 - Auvers-sur-Oise, 1890), provenant pour la plupart du Musée Kröller-Müller d’Otterlo, aux Pays-Bas.
Certes, il n’y a là rien de particulièrement original ou novateur, Kröller-Müller ayant pris l’habitude, désormais consolidée et traditionnelle, de prêter en bloc des pans entiers de sa collection van Gogh, et la situation de Vicence est loin d’être inédite, puisque la première grande exposition sur van Gogh organisée en Italie, en 1952 au Palazzo Reale de Milan, avait elle aussi largement fait appel aux prêts de l’institut hollandais: Il faut cependant souligner que l’attribut “grand”, sur lequel semble reposer une grande partie de l’adjectif qui accompagne l’exposition de Vicence, signifie tout et rien, et qu’établir qui détient le record de “grandeur”, de l’exposition de 1952 ou de celle de 2017, relève d’un futile combat de coqs que l’on laisse volontiers à ceux qui aiment ce genre de dispute stérile. En tout cas, reproposer en 2017 une exposition d’il y a soixante ans (mais en inversant le rapport peintures/dessins: à l’époque il y avait plus de peintures que de dessins, à Vicenza c’est le contraire), avec toutes les mises à jour nécessaires, ne serait pas en soi une opération déplorable: Il y a quelques années à peine, la réédition de Arte lombarda dai Visconti agli Sforza, sous la direction de Mauro Natale et Serena Romano (qui voulaient s’inspirer de l’exposition éponyme de Roberto Longhi et Gian Alberto Dell’Acqua en 1958), était une opération méritoire, du moins à notre avis. Le problème n’est donc pas là.
L’entrée de la Basilique Palladiana de Vicence pour l’exposition van Gogh |
L’entrée de l’exposition van Gogh |
L’aménagement de l’exposition van Gogh |
Avec pas moins de cent vingt-neuf œuvres, dont des peintures et des dessins de van Gogh et d’artistes comparés (cinq œuvres au total, de Jozef Israëls, Jean-François Millet, Jacob Maris, Anthon van Rappard et Matthijs Maris), la mise en place d’un projet simple et sensible vise à introduire véritablement le visiteur dans l’univers de van Gogh, le mettre en mesure de comprendre le pourquoi de nombreuses œuvres exposées dans la basilique palladienne, n’aurait pas été, après tout, une opération trop complexe, compte tenu également du fait que très peu d’artistes dans l’histoire de l’art sont aussi connus que van Gogh. Certes, il n’était pas vraiment demandé à Goldin d’entrer dans les détails (il se souciait sans doute peu de faire savoir à son public, par exemple, comment la lecture de Michelet avait influencé les dessins du Borinage, ou comment l’approche de la couleur par van Gogh avait changé à la suite de l’étude approfondie des théories de la couleur par Charles Blanc en 1884), mais au moins de rendre compte de certains passages que l’exposition laisse entrevoir, à commencer par la raison pour laquelle Millet a été une référence constante tout au long de la carrière de l’artiste hollandais, ou les choix techniques et compositionnels des portraits de Nuenen, ou encore l’apport fondamental des connaissances artistiques d’Adolphe Monticelli à la peinture de van Gogh dans sa période provençale.
Ce qui est intéressant, c’est qu’à Vicence on peut rencontrer des moments cruciaux de la carrière de van Gogh: les dessins de 1880, les premières expériences à l’huile sous l’égide d’Anton Mauve, les portraits de Nuenen déjà mentionnés, certaines œuvres parisiennes, la version de Cologne du Pont de Langlois et bien d’autres choses encore. Mais le problème est que, comme à son habitude, Goldin a décidé de mettre systématiquement à la porte toutes les bonnes intentions critiques et d’y jeter "l’âme“, et si l’intention clairement affichée ”n’est pas d’isoler et de commenter de manière cataloguée les grands thèmes qui se dégagent des lettres et des œuvres - qui sont pourtant importants pour comprendre la poétique et les motivations des choix artistiques - mais plutôt de se placer dans une perspective différente, celui de l’âme", alors tout raisonnement qui prend en compte les aspects critiques, philologiques, populaires et didactiques d’une exposition devient nécessairement un vain argument. Si les “thèmes qui émergent des lettres et des œuvres” sont des motifs secondaires, si l’on croit que la seule alternative aux ineffables palpitations de l’âme est un “commentaire de catalogue”, si un concept aussi vague que la “perspective de l’âme” devient la structure sur laquelle repose tout un projet d’exposition, autant éviter soigneusement les panneaux écrits par Goldin (qui tient à nous faire savoir que la narration de l’exposition, en dehors des notices du catalogue de Teio Meedendorp brutalement affichées sur les murs de l’exposition, est son propre travail), et les panneaux de l’exposition: chaque panneau est en effet immanquablement signé d’un nom et d’un prénom) et faire une immersion dans le tableau de van Gogh sans se soucier du nombre de ceux qui voudraient suggérer les sentiments à éprouver. Ceci, bien sûr, si l’on ressent vraiment le besoin de visiter l’exposition (Vicenza, après tout, est plus pratique qu’Otterlo).
Vincent van Gogh, Deux bêcheurs, de Jean-François Millet (1880 ; crayon et craie noire sur papier de soie, 37,5 x 61,5 cm ; Otterlo, Kröller-Müller Museum) |
Vincent van Gogh, Intérieur d’un restaurant (1887 ; huile sur toile, 45,5 x 56 cm ; Otterlo, Kröller-Müller Museum) |
Vincent van Gogh, Le pont Langlois à Arles (1888 ; huile sur toile, 49,5 x 64,5 cm ; Cologne, Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud) |
Vincent van Gogh, Gerbe sous un ciel nuageux (1890 ; huile sur toile, 63,3 x 53 cm ; Otterlo, Kröller-Müller Museum) |
Le risque, sinon, est de se perdre dans les récits à la première personne de Goldin, en pâmoison, dans “l’air sec et dévorant d’une émotion qui submerge, secoue de l’intérieur, s’installe au plus profond du cœur”, le “balancement du regard et du souffle” et les coups de pinceau qui deviennent “de véritables joyaux suspendus dans l’air limpide de la Provence” (pour ne citer que quelques passages des descriptions des œuvres dans le volume qui accompagne l’exposition et qui, sagement, est défini sur la quatrième de couverture comme un “livre” et non comme un “catalogue”, car l’appeler “catalogue” aurait été un affront aux vrais catalogues): L’exposition ne contient que quelques entrées compilées sans bibliographie - une absence qui caractérise l’ensemble du volume - par des spécialistes de van Gogh tels que Meedendorp ou Cornelia Homburg, déjà cités). Il suffit de savoir qu’un tel produit est l’équivalent en histoire de l’art d’un cinepanettone, et qu’être confronté à une histoire de van Gogh menée en ces termes, c’est un peu comme imaginer Onion sous les traits du protagoniste de The Sky Above Berlin, juste pour donner une idée. Ou, pour mieux suggérer le sentiment (très personnel, bien sûr) d’agacement ressenti par l’auteur (puisqu’il s’agit de parler d’émotions), c’est un peu comme écouter un disque de Leonard Cohen pendant que le voisin tond son jardin avec la tondeuse à gazon à combustion la plus bruyante disponible sur le marché. Et de toute façon, il n’y a rien de mal à cela: il suffit de faire attention aux termes, et d’éviter d’utiliser des phrases ronflantes comme “consécration de la vocation de la Basilique Palladiana en tant que lieu d’expérience artistique” pour donner un vernis culturel qui ne convient pas à ce qui est, à toutes fins utiles, un produit de divertissement.
Et puis, il y a le danger de voir le pauvre van Gogh réduit au rôle de l’acolyte triste et délaissé du commissaire-acteur: car Goldin ne s’est pas contenté d’être le commissaire de l’exposition et d’écrire le “livre”. Il ne s’est pas non plus contenté de faire ce qu’il fait le mieux, c’est-à-dire l’entrepreneur qui, avec son marketing des émotions bien rodé, a su faire naître chez deux mille personnes par jour le besoin de se rendre à Vicenza pour écouter son récit de “l’atelier de l’âme” de van Gogh. Non: Goldin est aussi l’auteur des panneaux disposés le long du parcours, le créateur et le conservateur de l’audioguide, l’éditeur d’une édition des Lettres de van Gogh évidemment publiée par Linea d’Ombra, le dramaturge auteur du monologue théâtral qui a inspiré les tableaux de Matteo Massagrande qui occupent l’avant-dernière salle de l’exposition, et le scénariste, réalisateur, producteur et narrateur du docu-film qui est projeté dans la dernière salle, aménagée comme une salle de cinéma de quatre-vingt-dix places. Protagonisme et dérision sont deux notions souvent très proches. D’ailleurs, Goldin est probablement aussi le créateur de la maquette en plastique de vingt mètres carrés reproduisant la clinique Saint-Paul-de-Mausole, dans laquelle le visiteur est plongé vers la fin du parcours sous la forme d’un simulacre trash qui vient boucler définitivement la boucle du projet “van Gogh à Vicence”. Lors de la présentation à la presse, Goldin a assuré qu’il avait “pris van Gogh du côté de l’âme”: on se demande s’il ne s’est pas plutôt moqué de lui. Le pauvre Vincent, après tout, avait déjà beaucoup trop souffert dans sa vie.
La maquette de la clinique Saint-Paul-de-Mausole |
La salle de cinéma |
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