La France va-t-elle restituer trois tableaux de Mantegna volés par Napoléon ? Ouverture du débat


Dans le Journal des Arts, un débat s'ouvre en France : Paris devrait rendre à l'Italie la prédelle du retable de San Zeno d'Andrea Mantegna. Il serait très facile de recomposer l'intégrité d'une œuvre démembrée par les spoliations napoléoniennes.

La France rendra-t-elle à l’Italie trois précieux tableaux d’Andrea Mantegna pris par Napoléon peu après la signature du traité de Campoformio ? Difficile, mais discutable. Hier, Le Journal des Arts, l’une des principales publications françaises consacrées à l’art, a publié un article d’Emmanuel Fessy dans lequel le débat est en fait lancé : il s’agirait de restituer à l’Italie les trois compartiments de la prédelle du Retable de San Zeno d’Andrea Mantegna, un chef-d’œuvre précoce du grand artiste à partir duquel la Renaissance véronaise a commencé, conservé dans l’église de San Zeno à Vérone. Pendant les spoliations napoléoniennes, l’œuvre prit le chemin de Paris : elle revint à Vérone, mais les trois compartiments de la prédelle (avec la Prière au jardin, la Crucifixion et la Résurrection) restèrent en France, et aujourd’hui deux d’entre eux se trouvent au musée des Beaux-Arts de Tours, tandis que le troisième, la Crucifixion, est au Louvre. La prédelle que l’on voit aujourd’hui à Vérone est une reproduction.

“De nos jours, écrit Fessy, on s’efforce de retrouver les panneaux manquants afin de restaurer l’œuvre dans son état d’intégrité, conformément aux souhaits de l’artiste. La chasse est énorme et laborieuse car la dispersion s’est étendue au fil des ans à l’Europe et aux Amériques. Elle est rarement couronnée de succès. Il existe pourtant un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne qui a subi une telle mutilation et qui pourrait être réassemblé : le retable conçu par le jeune Andrea Mantegna pour l’abbaye bénédictine de San Zeno à Vérone”. La recomposition du polyptyque démembré, affirme Fessy, serait facile, contrairement à d’autres cas, mais elle constituerait également un objectif politiquement ambitieux.



Andrea Mantegna, Retable de San Zeno (1457-1459 ; tempera sur panneau, 480 x 450 cm ; Vérone, San Zeno)
Andrea Mantegna, Retable de San Zen
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(1457-1459 ; tempera sur panneau, 480 x 450 cm ; Vérone, San Zeno)
Andrea Mantegna, Prière au jardin (1457-1459 ; tempera et or sur panneau, 71,1 x 93,7 cm ; Tours, musée des Beaux-Arts) Andrea Mantegna,
Prière au jardin (1457-1459 ; tempera et or sur panneau, 71,1 x 93,7 cm ; Tours, musée des Beaux-Arts)
Andrea Mantegna, Crucifixion (1457-1459 ; tempera et huile sur panneau, 76 x 96 cm ; Paris, Louvre)
Andrea Mantegna, Crucifixion (1457-1459 ; tempera et huile sur panneau, 76 x 96 cm ; Paris, Louvre)
Andrea Mantegna, Résurrection (1457-1459 ; tempera sur panneau, 71,1 x 94,9 cm ; Tours, Musée des Beaux-Arts)
Andrea Mantegna, Résurrection (1457-1459 ; tempera sur panneau, 71,1 x 94,9 cm ; Tours, musée des Beaux-Arts)

En 2009, le musée des Beaux-Arts de Tours avait organisé une exposition qualifiée d’“historique”, réunissant les trois compartiments de la prédelle du retable de San Zeno : c’était la première fois depuis 1930 que le Louvre prêtait la Crucifixion. Mais, écrit Fessy, “le véritable événement sera le retour de la prédelle à Vérone”. Aujourd’hui, les musées vivent une période de profonde remise en question et par conséquent, écrit le journaliste, “ils ne peuvent plus ignorer les débats sur la provenance et leurs conséquences”. Le retable de San Zeno est un cas unique, car il peut être reconstitué dans son intégrité et dans son lieu d’origine, l’abbaye pour laquelle Mantegna l’avait conçu, où il avait résolu le défi de la relation entre l’œuvre et l’espace“. La ”conservation de la prédelle de Mantegna en France, qui est fragmentée, doit donc être discutée aujourd’hui“, conclut M. Fessy. ”Le Louvre et Tours perdraient trois œuvres majeures de taille moyenne mais entreraient dans une nouvelle phase de leur histoire.

La France mène actuellement un important travail sur les collections des musées afin de restituer à leur pays d’origine les œuvres volées pendant l’occupation coloniale. L’une des dernières restitutions en date est celle des 26 objets des trésors du royaume du Danhomé pris par les Français entre 1890 et 1894 lors de la guerre de colonisation au Bénin. L’Italie n’a jamais été évoquée jusqu’à présent, notamment parce que pour notre pays, le problème est tout à fait différent : au moment des spoliations, Napoléon a réussi, pour la première fois dans l’histoire, à faire inscrire dans les traités signés avec les puissances vaincues la réquisition d’objets d’art à titre de dédommagement de guerre. Après la Restauration, de nombreux États occupés ont réussi, après de longues batailles juridiques, à faire considérer les clauses imposées par Napoléon comme nulles et non avenues, permettant ainsi la restitution de nombreuses œuvres à l’Italie (un chef-d’œuvre en ce sens a été réalisé par Antonio Canova, qui, en tant que commissaire pontifical pour la récupération des œuvres, a réussi à faire restituer à Rome un grand nombre d’œuvres qui lui avaient été confisquées). Bref, le chemin est long et sinueux, mais il est intéressant de souligner que l’on commence également à parler des restitutions de la France vers l’Italie.

La France va-t-elle restituer trois tableaux de Mantegna volés par Napoléon ? Ouverture du débat
La France va-t-elle restituer trois tableaux de Mantegna volés par Napoléon ? Ouverture du débat


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